Bernard-Marie Koltès : le dramaturge de la nuit ~ Monsieur S
Bonjour à tous et à toutes, bienvenue dans la rubrique théâtre ! Aujourd’hui j’ai envie de vous parler d’un dramaturge considéré à ce jour comme une des grandes influences du théâtre français. Il a notamment permis un renouveau théâtral au cours des années 1980 : je vais vous parler de Bernard-Marie Koltès.
Les pièces de Bernard-Marie Koltès ont en commun d’être plongées dans une ambiance nocturne (La Nuit juste avant les forêts, Dans la solitude des champs de coton, Quai ouest ou sa dernière pièce Roberto Zucco. Ces pièces font parties d’un nouveau style dans le théâtre francophone et ont été, par la suite, jouées dans plusieurs pays. Un style d’écriture à la fois simple, presque banal et poétique, Koltès met en œuvre des thématiques qu’il a lui-même expérimenté : la solitude, le conflit, le manque de communication, les différences de classes sociales mais également le monde de la nuit. Un théâtre dans une ambiance nocturne qui est d’ailleurs la marque de fabrique des publications des Editions de Minuit.
Bernard-Marie Koltès, né à Metz en 1948, était issu d’une famille bourgeoise. Le petit Bernard-Marie a vécu une enfance et un début d’adolescence assez compliqués car c’était le type de garçon ne supportant pas la solitude. Ses passages dans différents établissements scolaires n’ont pas été d’une grande aide, et seuls les enseignements jésuites qu’il a pu suivre ont permis d’améliorer l’esprit du petit Koltès. Ces enseignements étaient fondés sur la volonté de considérer le dialogue comme une vraie argumentation et le désir de faire apparaître un sens caché. Pendant un temps, le théâtre ne faisait pas partie des projets professionnels de Bernard-Marie Koltès. Il était avant tout passionné de musique, principalement de l’œuvre de Johann Sebastian Bach. Durant son jeune âge, Koltès était bien différent, c’était un jeune qui aimait le monde de la nuit, la drogue, le sexe, la rue et il sortait complètement du cadre bourgeois duquel provenait sa famille. Les excès et la solitude toujours plus forte l’ont même conduit à faire plusieurs tentatives de suicide.
Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans que Bernard-Marie Koltès a découvert et prit goût au théâtre, après avoir vu l’interprétation de Médée par Maria Casarès. Il était en totale admiration devant cette représentation et c’est ce qui lui donna l’envie de devenir comédien. Après une audition et une admission refusée au Théâtre National de Strasbourg, Koltès décide d’écrire une adaptation (Les Amertumes d’après Enfance de Gorki) puis l’envoya au directeur de ce théâtre (à l’époque, Hubert Gignoux). Ce dernier était impressionné par l’écriture du futur dramaturge et lui proposa d’intégrer l’école. Koltès décida de créer une compagnie portant le nom de ‘’Théâtre du Quai’’.
Pendant longtemps, les pièces de Koltès ne trouvaient aucun metteur en scène ou théâtre susceptibles de les jouer sur une scène nationale et cela le découragea de continuer. Il passa un temps en URSS en tant que membre du parti communiste, puis il replongea dans les mêmes bêtises de sa jeunesse, celles d’avant qu’il ne se lance dans le théâtre (drogue, sexe). Il failli mettre une nouvelle fois fin à ses jours mais il rentra en France afin de suivre une cure de désintoxication. Il s’est inspiré de cette partie de sa vie pour écrire une pièce qui fut vraiment le tout premier succès de Koltès : il s’agit de La Nuit juste avant les forêts.
Il a ensuite réalisé de nombreux voyages en Amérique du sud, en Afrique puis à New York et de ces voyages, Koltès en a écrit des pièces, devenues des succès : Combats de nègres et de chiens (sa vision de l’Afrique dominée par les populations occidentales), Quai ouest (son voyage à New York portant sur la description des quais dans une ambiance nocturne) et Le Retour au désert (un drame familial se déroulant en France pendant la guerre d’Algérie).
Si Koltès est un dramaturge connu et que ses pièces sont désormais montées dans de nombreux théâtres, c’est en partie grâce à un autre homme de théâtre, entré dans la vie du Messin : il s’agit du metteur en scène Patrice Chéreau (connu pour ses performances théâtrales mais aussi pour ses mises en scènes au cinéma comme L’Homme blessé (1983) ou La Reine Margot, sorti en 1994).
La relation entre Chéreau et Koltès n’a pas été des plus tendres, surtout à la fin. Chéreau acceptait volontiers de mettre en scène les pièces de Koltès mais ne comprenait pas assez le contenu des pièces du dramaturge, aux yeux de ce dernier. Cela peut paraître normal puisque Chéreau n’était pas encore un adepte du théâtre contemporain. Pourtant les deux hommes avaient la même passion : le théâtre et le sens de l’écriture. Après la représentation de Combats de nègres et de chiens à Nanterre, les deux hommes ne sont pas satisfaits, malgré le succès au rendez-vous : le public ne comprenait pas suffisamment le message de la pièce. Au fil des années, Chéreau se cristallisa comme le metteur en scène numéro 1 de Bernard-Marie Koltès. Mais les deux théâtreux se séparèrent définitivement, les nombreuses disputes pendant les séances de répétition et de travail fragilisant considérablement leur collaboration. Par exemple, Koltès se montrait souvent désagréable, critiquant la façon de travailler de Patrice Chéreaul, trouvait que le décor de la mise en scène était ‘’très sombre’’ ou ’’très froid’’. Koltès était aussi de plus en plus fragile physiquement, ce qui peut expliquer son humeur stricte et désagréable.
Le duo n’est alors plus. Cela est confirmé quand Koltès demande à un autre metteur en scène de travailler sur sa dernière pièce, devenue depuis une légende du théâtre français : il s’agit de Roberto Zucco. Cette pièce est tirée d’un fait divers ayant eu lieu entre 1983 et 1988 (je vous conseille vivement de lire cette pièce !). Ce nouveau metteur en scène n’est autre que Peter Stein, un homme de théâtre allemand. La pièce a été mis en scène pour la première fois au théâtre Schaubühne am Lehniner Platz à Berlin en 1990. Malheureusement, Bernard-Marie Koltès n’a jamais pu voir sa pièce de son vivant. Après un dernier voyage au Portugal, Bernard-Marie Koltès meurt à cause de complications dues au sida, le 15 avril 1989 à Paris.
Aujourd’hui, Bernard-Marie Koltès est un dramaturge qui inspire de nombreux créateurs, de nombreux metteurs en scènes et est étudié dans les conservatoires et les écoles de théâtre. Je voulais écrire un article sur Koltès car c’est mon auteur fétiche. Etant un grand admirateur de sa dernière pièce, je l’ai même prise comme projet d’examen d’études au conservatoire !
Pour conclure, voici quelques mots de Bernard-Marie Koltès sur sa vision de la beauté : "Je crois que la seule morale qu’il nous reste est la morale de la beauté. Et il ne nous reste justement plus que la beauté de la langue, la beauté en tant que telle. Sans la beauté, la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. Alors, préservons cette beauté, gardons cette beauté même s’il lui arrive parfois de n’être pas morale. Mais je crois justement qu’il n’y a pas d’autre morale que la beauté."
J’espère que cet article vous a plu et nous nous retrouvons la prochaine fois pour un nouvel article sur le théâtre. Vive le spectacle ! Vive la poésie des mots et des gestes ! 😉
Monsieur S.