J'ai maté pour vous le film : Chungking Express ~ Monsieur S
Dans la précédente publication j'ai critiqué un film à la psychologie malsaine et violente avec Mother! . Pour cette deuxième critique, parlons d'un film hongkongais sorti en 1994, mêlant amour et métaphore : j’ai nommé Chungking Express.
Un film d'une heure et quarante minutes, réalisé par Wong Kar-Wai, au
casting restreint mais tout de même intéressant. Pour les connaisseurs du
cinéma hongkongais, nous retrouvons dans cette comédie romantique l’acteur Tony
Leung Chiu-Wai incarnant notamment l’un des protagonistes dans un des films les
plus violents de John Woo, Une balle dans la tête (j'en parlerai bientôt
lorsque je retrouverai ce film sur une plateforme). La chanteuse populaire Faye
Wong, l'actrice taiwanaise Brigitte Lin et l'acteur japonais Takeshi Kaneshiro
sont également présents.
Vous devez vous dire : « mais ce n'est pas un film totalement hongkongais ! », alors oui, le casting ne l’est pas strictement mais l’histoire se déroule à Hong-Kong et les personnages sont hongkongais.
Pour vous résumer le film en une seule phrase : il s'agit de deux histoires
où l'amour, la solitude et le chagrin sont fortement présents. Il faut savoir
que ce film est divisé en deux parties : la première partie avec Brigitte Lin
et Takeshi Kaneshiro, et la deuxième avec Tony Leung Chiu-Wai et Faye Wong.
Dans la première partie, on suit un jeune policier, intitulé Matricule 223, ayant rompu avec sa petite-amie May, après cinq ans de relation. Il passe ses nuits à téléphoner et à acheter des ananas en boîte (parce que sa copine adorait ceux-ci) et se périmant le 1er mai 1994. Vous vous dites qu’il n’y a pas de sens ? Détrompez-vous, la métaphore est bien là : il faut savoir que le gars n’est plus avec May depuis le 1er avril. Donc à partir de cette date et jusqu’au 1er mai, il achète, chaque soir, une boîte d’ananas qui périmeront le 1er mai (ce qui fait trente boites de conserve à manger, chose qu’il fera le 30 avril). Si « 223 » mange ces boîtes, c’est parce qu’il pense encore à May, bien qu’elle ne pense plus à lui. Pour lui, beaucoup de choses se périment, même l’amour. L’image des produits périmés est donc la métaphore de l’amour brisé, parce que l’amour n’est qu’une question de temps d’après le film. C’est beau, non ? C’est un peu spécial mais il y a un sens.
Ensuite le deuxième personnage de cette première partie, est une femme solitaire portant une perruque blonde et des lunettes noires. Elle fait du trafic de drogue pour des indiens mais un événement lui causera des ennuis. Arrivant à s’en échapper, c’est là qu’elle fera connaissance de Matricule 223, également solitaire malgré lui. Cette femme, débrouillarde et solitaire, se noie dans l’alcool en fréquentant un bar (avec une seule et même musique de style reggae, je reviendrai dessus plus tard). Donc pour résumé brièvement, cette partie est liée aux trois thématiques suivantes : l’amour, le chagrin et la solitude.
Pour la deuxième partie, on retrouve un autre policier un peu plus âgé, au nom de Matricule 633, sur le point de rompre avec sa petite-amie hôtesse de l’air. Le quatrième protagoniste est une jeune femme, au nom de Faye. Elle travaille dans un fast-food du quartier, près de là où vit Matricule 633. Ce policier quant à lui, une fois séparé de sa copine, parle aux objets et cherche à les consoler. Par exemple, il parle à un torchon trempé, métaphorisant le chagrin et la tristesse due à une rupture amoureuse. Vous ne voyez pas le sens ? Lorsqu’il prend le torchon, laissant tomber quelques gouttes, il lui demande de ne pas pleurer. Il le rince, le laisse sécher et l’objet ne pleure donc plus. Matricule 633, en plein chagrin d’amour, prend soin de ces objets pour qu’ils ne soient pas tristes, comme lui l’est. C’est une façon pour lui de ne pas laisser sa maison sombrer dans une ambiance mélancolique et lui avec. Alors Faye, amoureuse du policier et ayant un double des clés de son appartement, va y faire du « ménage » (dans un sens) pendant qu’il est en service, pour l’aider à oublier cette ambiance sale, vide, sombre, décolorée (et bien sûr, lui ne se doute de rien).
Je ne peux pas vous raconter le film dans les détails mais je ne vous cache
pas qu’il est rempli de métaphores et cela m’a plu, honnêtement. C’est une
comédie romantique mais très originale, à l’esthétique poétique malgré quelques
éléments américanisés (McDonald’s, Coca-Cola, la musique anglo-saxonne,
Garfield en peluche et j’en passe). D’ailleurs, en parlant de musique, il y a
un détail qui m’a irrité : Faye adore la chanson California Dreamin de The Mamas & The Papas, mais elle l’adore
tellement que la chanson est mise en boucle huit fois ! Je dis bien HUIT
fois pendant toute une partie du film ! Je veux bien qu’on ait des coups
de cœur pour les chansons, mais pour le spectateur ça devient vite agaçant.
Il y a une autre chose, toujours dans la musique, qui a attiré mon
attention, c’est que dans les deux parties les personnages ont leur propre
chanson, leur propre musicalité en somme, qui traduise leur situation. A
l’image de Faye qui adorerait aller en Californie, elle écoute la chanson California Dreamin et une autre chanson
évoquant le rêve de partir, la chanson Dreams
du groupe irlandais The Cranberries, ici interprété en chinois par Faye Wong :
c’est un choix artistique et j’aime les deux versions ! (Smiley) Sur ce
point, la musique évoque aussi des sens, un état d’esprit, et n’illustre pas
seulement l’intrigue du film.
En ce qui concerne les points esthétiques de la caméra, le film qui a été tourné la nuit la plupart du temps : cela donne un effet de lumière impressionnant pour un film à petit budget comme celui-ci (600.000 dollars seulement !). La nuit est aussi un élément poétique dans le film puisque c’est le moment où la solitude est la plus présente chez certains et la rencontre entre deux individus qui ne se connaissent pas, peut changer le cours de leurs vies. La rencontre entre le jeune policier et la femme à la perruque blonde a permis au premier de tourner la page et à la seconde de mettre un terme à son rôle de trafiquante.
La manière de filmer, de créer les plans, de suivre les déplacements des
acteurs, on a affaire à une réalisation composée d’une caméra posée sur une
épaule (comme un cameraman). Ce choix de plan n’est sans doute pas anodin
lorsque l’on sait que le film a été tourné en 3 semaines (une prouesse !).
Les plans détaillés, le fait que la caméra soit mouvante, parfois fixe, permettent
de capter l’énergie du film, des personnages, de la musique, des actions, etc.
J’ai à peu près fait le tour de la critique et j’en arrive à la note que je donnerai à ce film : 4 sur 5. C’est la première fois que je regarde un film hongkongais sans que ça ne soit un film de kung-fu. Il s’agit d’un film romantique, ayant tout de même une trame américanisée, et c’est ce qui fait un bon film. Malgré quelques défauts, ce film reste un de ces films à regarder au moins une fois dans sa vie ! Je ne me suis pas ennuyé et j’ai apprécié que ce film soit bourré de sens multiples, de métaphores liés à l’amour et à la solitude. Si ce n’était pas le cas, le film serait sans intérêt et ennuyeux.
Petite remarque : le réalisateur français Jean-Pierre Jeunet, s’est inspiré du personnage de Faye pour son personnage d’Amélie Poulain. Ayant regardé le film de Jeunet, il y a quand même des différences, ce qui est normal. Toutefois il y a une ressemblance, pas tellement dans le caractère des deux personnages mais plutôt dans l’action.
Si je vous donne envie de regarder ce film ou non, le mieux c’est d’aller voir par vous-même et qu’on discute dans les commentaires, si vous le souhaitez ! Je vous souhaite un bon visionnage, à bientôt et vive le cinéma ! 😉